Nous sommes au 16ème siècle en Italie, plus exactement à Bologne actuel chef lieu d'Emilie-Romagne.
Bologne, avec ses tours et ses 40 km d'arcades qui permettent de se déplacer par n'importe quel temps, sans craindre de se mouiller. Toute la vie citadine se joue sous ces portiques qui ont une fonction sociologique bien plus qu’artistique. Les portiques supportent des appartements, des studios qui servent à loger les étudiants nombreux qui affluent à l'université. Leur hauteur peut également laisser passer un homme sur son cheval. La rue devient un long couloir ininterrompu. Le riche palais et le modeste immeuble s'unissent sans que le passant puisse les distinguer. De même les différences entre privé et public ne sont pas visibles dans l'architecture. Les couleurs des murs et des façades où dominent le rouge et l'ocre ajoutent aux sentiments de chaleur et d'harmonie que dégage cette ville réputée, aujourd'hui encore, pour son dynamisme dans les domaines économique et culturel.
A cette époque, la ville possède déjà depuis longtemps une bibliothèque inégalée et une université réputée – la plus vieille d’europe, elle fut fondée au moyen âge en 1119. Dès le 12ème siècle en effet, étudiants et professeurs deviennent si nombreux dans certains grandes villes comme Bologne qu’ils cherchèrent à s’organiser sur le modèle des autres corps de métiers de l’époque. Ainsi fondèrent-ils des corporations réunissant tous ceux dont la profession était l’étude, à Bologne en 1119 mais aussi à Oxford en1133 ou à Paris en1215 ). On appella ces organisations les Universités.
Mais revenons à Bologne. Dans une rue de la vieille ville habite un savetier, Vincenzo Cascariolo (ou Casciarolo, on retrouve dans la littérature les deux orthographes), passionné d'alchimie. Certains affirment même qu’il aurait quitté son métier pour se consacrer exclusivement à l’alchimie. Même s’il est peu vraisemblable qu’il ait vécu uniquement de l’alchimie, notre homme initié aux secrets du « sublime art » y consacre sans doute le plus clair de son temps, la réparation de chaussures n’étant plus qu’une occupation alimentaire.
Quoiqu’il en soit, comme tout alchimiste sa quête unique est de trouver le moyen de fabriquer de l'or à partir de matériaux communs.
La photographie de la page suivante, une reconstitution d’un atelier d’alchimiste de 1490 faite par l’université de Cracovie, nous fait découvrir l’atmosphère qui devait règner.dans l’arrière boutique de notre cordonnier
L’atelier de Vincenzo devait en effet ressembler et à cela comportait sans nul doute tous les appareils les plus modernes et les plus mystérieux du laboratoire d’alchimie de l'époque: pots de grès et de faïence, bassins, cruches, fioles de verre, filtres, tamis, creusets touvaient place parmis les mortiers, cornues, alambics pour la distillation, aludel pour la condensation des vapeurs, sablier, balance, animaux empaillés et substances de toute sorte, signes du zodiaque, livres et bien sûr un fourneau et de quoi l’entretenir, bois et soufflet.
Un specimen de Baryte du Monte Paderno (diamètre maximum +/-15 cm )
Un beau dimanche matin de l’année 1602 en se promenant dans les calanques des Colli bolognesi en allant vers le Monte Paderno, à moins de trois miles du centre de Bologne, il ramasse une pierre ronde, grisâtre semblable à toutes les autres à part son poids particulièrement élevé et un aspect fibroradié.
Le fait le frappe, cette pierre possède une des propriétés typique et importante de l'or, sa grande densité et les rayons qui partent de son centre font penser aux rayons dorés du soleil.
Il imagine soit pouvoir extraire de l'or de cette pierre, soit pouvoir transférer à un vil métal quelconque, cette forte densité contenue dans la pierre et donc le rapprocher des propriétés de l'or.
Il collecte un certain nombre de pierres et les ramène dans son atelier
Aussitôt rentré, espérant probablement extraire l'or ou en tirer quelque essence qui lui permettrait de faire évoluer sa quête de la pierre philosophale, il soumet le minerai à une forte chaleur dans un four en présence de charbon.
Hélas, aucun métal...
Cependant,le soir venu, éteignant la chandelle qui devait sans doute éclairer son atelier, il remarque un phénomène curieux : la pierre calcinée qui n’a fourni aucun métal émet dans l’obscurité une faible lueur. Fasciné par ce phénomène il se met à l’étudier et constate qu’il a obtenu par cette manipulation une substance des plus curieuse qui "absorbe les rayons du soleil le jour, pour les réémettre la nuit"!
La "Pierre de Bologne" était née et sa lueur rougeâtre dans l'obscurité allait devenir célèbre.
Reconstitution d’un atelier d’alchimiste de 1490 faite par l’université polonaise de Cracovie
Notre Savetier amène sa découverte qu’il appelle alors du nom mystique de « Lapis Solaris » (Pierre de Soleil) au célèbre alchimiste de Bologne Scipione Begatello: une pierre aussi lourde, capable de capter et de retenir les rayons dorés du soleil ne devait pas être très éloignée de "la" pierre que recherchaient tous les alchimistes...la pierre philosophale capable de changer un vil métal en or.
Cascariolo montre également sa découverte à Maginus, un professeur de mathématique
Si en bon alchimiste, Begatello tient la découverte secrète, il n'en est pas de même de Maginus qui s'empresse d'envoyer le minerai de départ et la substance obtenue par Cascariolo à beaucoup de gens cultivés de l'époque, ce en quoi il contribua plus que tout autre à la diffusion de cette curieuse découverte.
Le secret de la préparation de la pierre de Bologne ne fut donc pas gardé secret très longtemps et la première description de la méthode de préparation fût publiée en 1625 par Pierre Potier (Petrus Poterius), médecin auprès de la cour du roi de France qui vécut un certain temps à Bologne, dans son traité sur les remèdes utilisant des matières inorganiques : « Pharmacopea Spagirica ».
En voici la description (adapté d’après E.N. Harvey « A history of luminescence »repris par ...) :
« Pour obtenir la qualité de retention de la lumière recherchée, la pierre peut être calcinée de deux manière. La première consiste à réduire la pierre en poudre et d’ensuite la calciner à feu vif dans un creuset. La seconde est de réduire en poudre la pierre et , in the place of thalerum, d’en faire de petits cakes en la liant avec de l’eau ou du blanc d’œuf. Après séchage, ceux-ci sont enfournés en couches alternées avec du charbon dans un four (a blast furnace) et après avoir fait un bon feu, ils sont calcinés pendant 4 à 5 heures. Quand le four est refroidi, les cakes sont sortis. Si ils n’ont pas été assez cuits, la procédure est repétée. Parfois, ii faut s’y reprendre à trois fois.
Les meilleurs résultats de calcination sont obtenus avec des pierres de premier choix, brillantes, pures et diaphanes. A partir de cette poudre, différentes formes d’animaux qui brille merveilleusement dans l’obscurité sont confectionnées et mises dans de petites boites (pyxidiculum).
Le lixivium est préparé de la même manière et quand il est sec, il produit un sel sulfureux, fétide, acéré et mordant.La pierre de Bologne était mentionnée dans cet ouvrage pour ses propriétés dépilatoires présumées. Potier écrit ainsi :
« Autant que je sache, l’usage connu de cette pierre est un usage externe. From it is made the lixivium for the psilothrum, celui-ci pourrait probablement être appliqué à la barbe et pour la dépilation s’il ne possédait une odeur répugnante. »
Cet usage de la pierre de Bologne est noté par les médecins français et allemand jusqu’au 18ème siècle...
Malgré l’échec concernant l’utilisation de la pierre de Bologne comme Pierre philosophale, celle-ci connut un grand intérêt dans toute l’Italie. Galileo Galilei (1564-1642) participa même à une discussion scientifique concernant ce phénomène et le montra à Giulio Cesare La Galla (1576-1624), professeur de Philosophie au Collegio Romano qui fut le premier à rapporter par écrit ce phénomène dans son livre « De Phenomenis in Orbe Lunae » (Vinice 1612).
La Galla affirme que la pierre non traitée n’est pas capable d’émettre de la lumière et qu’elle acquiert cette propriété uniquement après calcination. Il explique ce phénomène que Galileo lui a relaté par le fait qu’une certaine quantité de feu et de lumière auxquel la pierre a été exposée serait piégée dans la pierre et s’en échapperait doucement, comme l’eau d’une éponge.
Ensuite, Ovidio Montalbani (1601-1671), professeur d’astronomie et de mathémétiques à l’université de Bologne publie en 1634 un bref rapport intitulé « De Illuminabili Lapide Bononiensi Epistola » dans lequel il discute des différentes couleurs que l’on peut obtenir à partir de la pierre et qui suggère que la lumière résulte d’une sorte de combustion.
Mais l’ouvrage le plus important et le plus complet sur la pierre de Bologne sera écrit par Fortunius Licetus (1577-1657) en 1640.
Il s’agit d’un ouvrage de 280 pages intitulé : « Litheophosphorus Sive De Lapide Bononiensi » dont voici un extrait :
« Il y a environ 36 ans, une pierre fut trouvée dans la campagne de Bologne par un modeste honnête homme qui étudiait avec assiduité la chimie ; il s’appelait Vincenzo Casciarolo et était d’origine Bolognaise. Comme affirmé par Petrus Poterius Andegauensis, l’illustre chimiste bolognais dans son livre « Pharmacopea Spagirica », Casciarolo qui avait abandonné son métier de cordonnier pour poursuivre sa quête de la transformation de la matière humble en or, porta la pierre qu’il appelait « Solar » à Scipione Begatello, un expert de l’époque dans la transformation en or . Casciarolo soutenait que cette pierre était la plus appropriée pour la production d’or en vertu de son poids appréciable et de sa teneur en soufre. Après avoir soumis la pierre à de nombreux traitement, ce n’est pas le « Pluto d’Aristophanes » qui en résulta mais bien la pierre de Lucifer (lumière) qui ne devait pas produire d’or elle-même mais qui devait absorber les rayons dorés de la lumière comme un nouveau Prométhée, volant un trésor céleste. Casciarolo communiqua cette découverte extraordinaire et inattendue non seulement à Begatello, mais aussi à l’illustre Antonio Magino, le célèbre professeur de Mathématiques de l’université de Bologne. Magino distribua cette préparation à base de la pierre de Bologne en cadeau extraordinaire et inédit à beaucoup de gens de lettre et à beaucoup d’autres personnes. Moi-même, en compagnie de l’illustre Carolo Antonio Magino, philosophe Bolognais, j’ai vu beaucoup de Pierres faites de cette substance, aussi bien dans leur état naturel que calcinées, entières ou pulvérisées, seule ou mélangée à du blanc d’œuf. J’ai observé avec beaucoup de minutie l’insolation, la brillance dans l’obscurité et son extinction spontanée. Je suis allé avec l’illustre Ovidio Montalbano, noble interprète de l’art des Mathématiques de notre université de Bologne, et avec Carolo Antonio Mangino, philosophe sur le Monte Paderno, l’endroit d’origine de la pierre, et dans les vallées avoisinantes et j’ai collecté de nombreuses pierres faites de cette substance, la plupart utilisables pour produire de la lumière. »
L’approche de Fortunius Licetus est très détaillée et enthouthiaste a tel point que la publication du livre conduira à une controverse fameuse entre lui et Galileo Galilei : là ou Licetus soutenait que la faible lueur du croissant lunaire était produite par une phosphorescence similaire à celle de la pierre de Bologne, Galileo affirmait qu’il s’agissait de la réflexion de la lumière du soleil par la terre vers la lune.
Ce débat se répandit d’ailleurs dans toute l’europe du fait de la large diffusion de l’ouvrage de Pierre Potier « Pharmacopea Spagirica » (1625) qui mentionne la pierre de Bologne et qui était un ouvrage de référence extrêmement utilisé à l’époque.
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Book Description |
A Rare Galileiana |
Une autre contribution importante à l’étude de la pierre de Bologne vient d’Athanasius Kircher de Fulda (1601-1680) qui écrivit durant son séjour à Rome deux livres sur le sujet, « Magnes Sive De Arte Magnetica » en 1645 et « Ars Magna Lucis Et Umbrae » en 1646.
Pour Kircher, la faculté de la pierre d’attirer la lumière était similaire à celle de l’aimant pour le fer et ses expériences l’amenèrent à croire que le matériaux devenait poreux par calcination, ce qui lui permettait de maintenir de subtiles vapeurs d’air mélangées (suffused) à de la lumière dans ses pores.
Magnes, sive de Arte Magnetica libri tres, Romae, Ex Typographia Ludouici Grignani, 1641, 4°, pp. 916 (altre ed.: Coloniae Agrippinae, Apud Iodocvm Kalcoven, 1643, 4°, pp. 797; Romae, Typis Vitalis Mascardi, 1654, fol., pp. 618). |
1646 Ars magna lucis et umbrae in mundo, atque adeo universa natura, vires, effectusque uti nova, ita varia novorum reconditiorumque speciminum exhibitione, ad varios mortalium usus, panduntur, Romae, ex typographia Ludovici Grignani, 1646, fol., pp. 935 (altra ed.: Amstelodami, Apud Joannem Janssonium a Waesbergae, et Haeredes Elizaei Weyerstraet, 1671, gr. fol., pp. 810). |
John Evelyn (1620-1706) fut un des premiers anglais à étudier la pierre de Bologne durant sa visite à Bologne en 1645. Bien qu’il semble qu’il ait pu observer la luminescence, il ne rapporta aucun échantillon en Angleterre car selon ce qui figure curieusement dans les « Philosophical Transactions of the Royal Society » de 1666, la recette de préparation de la pierre aurait été perdue...
La plus grande contribution du milieu du 17ème siècle concernant la compréhension de la luminescence de la pierre de Bologne vînt de Nicola Zucchi (1586- 1670), professeur de Mathématique à l’université de Rome. En 1652, il rapporte dans son ouvrage « Optica Philosophia » qu’au plus intense était la lumière à laquelle la pierre avait été exposée, au plus forte était la luminescence et également, que la couleur de la fluorescence émise par la pierre restait la même que l’on expose la pierre à la lumière blanche, ou à la lumière filtrée par du verre rouge, jaune ou vert. De cet expérience, il conclut que la lumière n’était pas absorbée en tant que telle. Il écrit :
« (la lumière) excite plutôt et s’unit (unites) avec des substances spirituelles (spiritous substances) et quand l’illumination a cessé, ces substances se dissipent graduellement et deviennent inutilisables (unsuitable) pour produire une émission de lumière perceptible (a visible glow). »
Bien que cette expérience soit capitale, elle ne fut pas répétée avant pratiquement un siècle quand à Bologne en 1728, un groupe de scientifiques conduit par Francesco Maria Zanotti ((Bologna 1692 - 1777) ou Zanetti ?) renouvella l’étude du « phosphorus » (Phosphorus:littéralement "porte lumière" du grec phos=lumière et phoros=qui porte), arrivant à une interprétation complètement différente de celle généralement admise à cette époque.
Zanotti montra en effet par ses éxpériences sur la pierre de Bologne que la lumière n’était pas absorbée comme le fait une éponge avec un liquide, mais que la lumière venant de la pierre lui était propre. Il écrit :
« Dans mon expérience, j’ai utilisé deux morceaux de « phosphorus », exposant l’un à de la lumière rouge, l’autre à de la lumière bleue issues de la réfraction d’un rayon de soleil dans une chambre noire, comme le font les physiciens pour obtenir les sept couleurs de la lumière. Ces deux échantillons émettaient la même faible lumière de la même couleur chacun... »
En 1691, le Compte Luigi Ferdinando Marsigli, un naturaliste et mathématicien bolognais qui a également participé aux expérience de Zucchi avait ecrit un livre intitulé « Del fosforo minerale e sia della pietra Bolognese » et l’avait dédicacé à son collègue anglais Robert Boyle, qui mourut malheureusement avant d’avoir pu le lire. A cause de la mort imprévue de Boyle le livre ne sera finalement publié qu’en1698.
La pierre de Bologne ne cesse d’intriguer ; Le compte Camillo Galvani écrit dans son tract (tract) intitulé « Sulla pietra fosforica del bolognese » publié en 1780 :
« La pierre de Bologne étaient considérée comme un des phénomènes naturels les plus surprenant et les hommes les plus érudits de l’époque cherchèrent l’explication de ce phénomène. Certains comme Giovanni Enrico Cohansen (qui ecrivit « Lumen Novum Phosphoris Accensum » publié à Amsterdam en 1717) étaient d’avis que la pierre produisait sa propre lumière, mais la plupart des auteurs anciens comme modernes croient que la pierre ne fait que reflèter la lumière reçue. »
GALVANI, Camillo : Della Pietra Fosforica Bolognese. Bologna: Lelio dalla Volpe, 1769.
Three folding engraved plates. 91, [1] pp. 8vo, early 19th cent. sheep-backed marbled boards. [Bologna: Longhi, 1780]. [bound with]: BOLLETTI, Giuseppe Gaetano. Dell' Origine e de' Progressi dell' Instituto delle Scienze di Bologna e di tutte le Accademie ad esso unite, con la descrizione delle più notabili cose, che ad uso del Mondo letterario nello stesso Instituto si conservano. Engraved vignette on title & four folding engraved plates. 111, [1] pp. 8vo (some foxing). Bologna: Lelio dalla Volpe, 1769. I. First edition. "In the twelve chapters of the ninety-one page book, the history, color, shape, internal structure, and analysis, etc., of the Bolognian stone are described in considerable detail, and a comparison made with other phosphors. Beccari and his co-workers are particularly referred to and ten pages of experiments reported. Galvani ended with various reflections on the subjects presented. On the whole the book is a good résumé of contemporary knowledge." -Harvey, A History of Luminescence, p. 333.
Beaucoup d’autres personne célèbres s’intéressèrent à la Pierre de Bologne et vinrent même à Bologne pour chercher cette pierre sur le Monte Paderno, comme par exemple en 1786. Goethe qui était collectionneur de minéraux et fasciné par les sciences naturelles. Plus tard, vers 1810, il constatera que d’autres minéraux possédent également la propriété d’être fluorescents.
On a également appelé la pierre de Bologne "éponge à lumière”.
Goethe (parmis d’autres…) fit la démonstration que le terme imagé d’ « éponge à lumière » pour décrire la pierre de Bologne était inapproprié. Il éclaira un échantillon avec des lumières de couleurs différentes et constata que si le bleu excitait bien la phosphorescence rouge de la pierre, la lumière bleue elle en revanche ne provoquait aucun effet. Conclusion: la lumière émise n'est pas la même que celle "absorbée" lors de l'irradiation.
Beccaria affirmait que la pierre de Bologne « absorbait la lumière et la réémettait quelques instants après » . Il pensait avoir observé que quand la pierre avait été exposée à de la lumière rouge, jaune, bleue ou verte au moyen de verre coloré, elle réemettait dans l’obscurité une lumière rouge, jaune, bleue ou verte. Mais cette constatation fut réfutée plus tard par Wilson en Angleterre, Zanetti et Algerotti en Italie , Dufay en France et Grosser à Vienne.
Aujourd’hui encore une rue de Bologne porte le nom de Vincenze Casciarolo en l’honneur de sa découverte.
Autres noms de la pierre de bologne : Lapis Luminosus, Phosphorus italicus, Ph. Mineralis ; Ignis frigidus, (feu froid à comparer avec l’expression lumière froide d’aujourd’hui)
(Zedler (1706-1760) Lexique universel, en allemand publié en 64 volumes entre 1732 et 1750. l’article sur les phosphores date de 1741)
Le minéral ramassé par notre cordonnier était de la barytine, un sulfate naturel de Baryum, ce qui explique sa densité élevée ( d=4,5 ) qui avait intrigué notre alchimiste; ce qu’il ne savait pas, c’est qu’en la calcinant en présence de charbon, une partie du minéral se transformerait en sulfure de Baryum qui a la propriété dans certaines conditions d'être phosphorescent après exposition à la lumière du jour...
BaSO4 + 2C --> BaS + 2CO2
Voilà donc l'histoire de la première substance artificielle connue en occident pour être phosphorescente après insolation.
Elle fût vendue pendant des années comme curiosité dans les rues de Bologne sous les noms de Pierre de Bologne, de pierre de lune, d'éponge de lumière, de Lapis Solaris ou encore Solar Phosphorus. L’engouement de la population pour cette découverte merveilleuse et fascinante a été tel à Bologne, que l’on employait le nom de la pierre de bologne dans les satires et les sonnets de l’époque comme une métaphore pour la splendeur du Prince régnant.(Marc Antonio Borghese à l’époque)
Title-page of the book "Il Fosforo o vero la Pietra Bolognese"
by Marc’Antonio Cellio (1680) and a sonnet dedicated to the Prince
Marc’Antonio Borghese ã.
The original volume can be found in the Historical Section of the
University Library of Bologna, Italy.
Bien des années plus tard, Andreas Sigismund Marggraf (1709-1782)">, un chimiste allemand trouva une méthode fiable et simple pour fabriquer cette substance en préparant une pâte avec de l'eau de la barytine pulvérisée et de la farine qu'il soumettait à une chaleur intense dans un creuset fermé.
Marggraf montra que de la barytine d'autres provenances pouvaient être également utilisées ainsi que pas mal d'autres substances d'ailleurs, pour fabriquer des "aimants à lumière”.
MARGGRAF Andreas Sigismund Marggraf (1709-1782) n’a pas laissé de livre, mais ses articles publiés sous forme d’un recueil intitulé « Chemische Schriften » (publié en 1781 et 1767) contient son analyse et ses opinions sur la luminescence.
C’était un grand chimiste ; Il fut directeur du laboratoire de chimie de l’Académie des sciences allemande. On lui doit entre autre une simplification de la méthode de préparation du phosphore à partir de l’urine et la découverte des acides formique et phosphorique. En 1748 il découvre également que la racine de betterave contient un sucre analogue à celui de la canne à sucre qui était la seule source de sucre à l’époque. C’est le chimiste Ferdinand Runge de l’université de Breslau qui mettra au point la méthode d’extraction. La première usine de traitement des betteraves démarra vers 1802 (1799?) à Breslau avec une production annuelle de six tonnes!
En 1746 Marggraf identifie l’élément aluminium dans l’alun utilisé depuis des siècles par l’homme. Ce n’est qu’en 1825 que le savant danois Hans Christian Oersted réussira à isoler le métal, sans pouvoir reproduire son exploit.et il faudra attendre que le français Henri Sainte-Claire Deville améliore une méthode inventée par l’allemand Friedrich Wöhler en 1845, pour qu’enfin un lingot d’aluminium soit exposé à l’exposition de Paris en 1855 et que Napoléon III en fasse un métal stratégique vu sa légèreté et charge Sainte-Claire Deville d’en produire suffisament pour les besoins militaires de ses troupes (cantines). L’aluminium devenait donc ainsi un des premiers métaux stratégiques à usage militaire de l’époque moderne.
In 1774 while investigating pryolusite, a substance long used in the manufacture of glass, Carl W. Scheele (at left), noticed embedded small crystals. Scheele found these contained a new alkalie which gave white precipitates with sulfuric acid and vitriols. Scheele called the earth Schwerspatherde meaning the earth of heavy spar. Having a relatively high density of 4.5 g/cm3, the mineral (BaSO4) became known as baryte and the alkalie baryta after the (Greek) barys meaning heavy. Scheele wrote and sent a sample to his fellow Swede J.G. Gahn who had also investigated pryolusite, asking if he had noticed them. Gahn investigated and found the substance had the same composition as Bologna stone. Metallic Barium (Ba = #56) was first prepared by Humphry Davy in 1808.
Un peu avant 1675, un chimiste, Christian Adolf Balduin [1632-1682 (Baudoin) prépare un autre "phosphore" (Balduin’s phosphorus ou « Hermetic phosphorus ») en calcinant du nitrate de Calcium.
Son livre “Aurum superius et inferius auræ superioris et inferioris hermeticum” publié à Amsterdam et à Frankfort en 1675 contient une section intitulée 'Phosphorus hermeticus, sive magnes luminaris'.
Dans celle-ci, Balduin dit:
« Lorsqu’il y a quelques années je cherchais à produire l’alkahest( ?) , après distillation, je constatai que le récipient reroidi brillait à l’intérieur d’une lumière semblable à celle d’un fer porté au rouge »
Il avait fait une solution de chaux dans l’acide nitrique et l’avait distillée jusqu’à dessication pour ensuite exposer le nitrate de calcium ainsi produit à l’air et à l’humidité ; comme celui-ci est déliquescent, il a absorbé l’eau pour former une solution. Balduin croyait que l’eau distillée ainsi était le « Spiritus Mundi ».
Le nitrate de calcium extrait par évaporation était une substance jaune qui montrait dans le noir une phosphorescence après exposition à la lumière du jour.
Balduin envoya une note sur sa découverte et un specimen du « phosphorum Balduini » à la société Royale en 1676 et fut en retour élu comme Fellow de cette société.
Hermetic Phosphorus = Balduin phosphorus car Balduin portait le pseudonyme d’Hermes dans la société Naturae Curiosum
De nombreux autres suivirent: par exemple le "Canton's Phosphorus" ou sulfure de calcium obtenu en soumettant à une intense chaleur un mélange de trois parties de coquilles d'huîtres calcinées avec une partie de soufre pendant une heure ou à partir de plâtre de Paris calciné avec du harbon de bois.